Histoire d’autrefois

 

« Les parents ont perdu leur crédibilité en devenant national-socialiste, l’église catholique et les patrons aussi… Ceux qui représentent l’autorité ne sont plus crédibles. »

C’est une des premières phrases du film, prononcée par Ulrike Meinhof. Suivent les images des agitations universitaires de 1965 à Berlin et Munich, qui ont bercé, favorisé l’organisation de la contestation, et permis à ce qu’on appellera plus tard la bande à Baader, d’émerger. Dans ce documentaire consacré à son historique, Jean-Gabriel Périot choisit d’enchaîner des archives, images et sons, des extraits de films, d’émissions de télévision et d’interviews, et de les monter cut, réussissant à tisser sans discours ni commentaire, sans voix off, un fil narratif captivant, l’histoire de la lutte armée en Allemagne de 1965 à 1977. Comment elle est passée d’une simple agitation estudiantine à la radicalisation dans le terrorisme, en passant par l’action des milieux alternatifs et le militantisme artistique et médiatique, comment la bataille des images a peu à peu laissé la place à l’attaque directe contre le système impérialiste par la pose de bombes, les enlèvements de personnes et les détournements d’avions.

Cette lutte à mort contre le système, des noms l’incarnent, qui sont désormais connus comme les principaux membres de la Fraction Armée Rouge (FAR) : Ulrike Meinhof et ses combats révolutionnaires, aider les opprimés à trouver des repères dans le monde qui nous entoure ; Gudrun Ensslin, qui fonde les éditions Voltaire et participe aux évènements de Francfort avec Baader en 1968 ; Holger Meins, qui réalise le film Construire un cocktail-Molotov ; l’avocat des étudiants, Horst Malher, « toujourslà quand il y a du grabuge » ; et Andréas Baader. Axel Springer Verlag et son groupe de presse deviennent les ennemis à abattre. Toute forme de capitalisme, aussi. L’escalade et la provocation se nourrissent du désir de porter le débat dans la rue, d’y faire flotter le drapeau rouge au son de L’Internationale, de dénoncer le mensonge de la démocratie allemande et de prendre les armes pour entrer à l’intérieur du système, car, disent-ils, « Nous n’avons pas inventé la violence, nous l’avons rencontrée » et « On nepeut agir sans violence dans une société devenue violente ».

Le spectateur est immergé dans cet univers de lutte comme dans une fiction. Tout passe par les images et les voix. Le film qui commence avec celle de Godard (« Est-il possible de faire des images en Allemagne aujourd’hui »), se clôt sur celle de Fassbinder et celle de sa mère, qui note en substance que « Tout se résoudrait si on avait un dirigeant autoritaire qui soit aussi bon, gentil et raisonnable »…

C’est une histoire d’autrefois que Jean-Gabriel Périot nous conte, de passion et de fureur, de fanatisme mais de fragilité aussi et de mise à nu. Une jeunesse allemande ou le Tragique à l’œuvre.

 

Catherine Soullard
Secousse
novembre 2015
www.revue-secousse.fr/Secousse-17/Zarbos/Sks17-Soullard-Periot.pdf